Comme pour toute autre maladie, et c'est aussi le cas pour la schizophrénie, il existe de nombreux facteurs qui jouent un rôle, mais qui n'ont pas tous le même poids. Dans chaque maladie, il y a un facteur principal ou facteur-clef sans lequel elle ne peut pas se déclarer. Pour la schizophrénie, ce facteur-clef n'est pas encore connu. L'interaction de plusieurs gènes pourrait bien être en cause, notamment ceux responsables de la phase de développement du cerveau qui assurent la mise en place des fonctions supérieures principales.
La recherche sur le cerveau de ces 15 dernières années a montré sans aucun doute qu’un dysfonctionnement cérébral est en cause chez la schizophrénie. Les résultats donnés par la neurobiologie moderne révèlent que très probablement, la schizophrénie est due à une inhibition, d'origine génétique, du développement du cerveau. Cette perturbation du développement du cerveau provoque des dysfonctionnements biochimiques plus ou moins graves. La science essaie de mieux expliquer ces mécanismes qui ne sont pas encore suffisamment compris.
Les recherches montrent plus précisément que ce dysfonctionnement concerne le système de communication entre le cerveau frontal (région préfrontale), le système limbique temporal et le thalamus. C’est comme si la personne atteinte de schizophrénie mélangeait les informations venant du monde extérieur avec ses souvenirs internes sans pouvoir les filtrer, les organiser et les cataloguer. Le malade se sent submergé et ne s’y retrouve plus. Cela peut provoquer des hallucinations, des délires, un retrait ou du déni. Ces troubles affectent ce que l’on appelle les capacités cognitives (reconnaître, penser, porter un jugement, décider). La personne éprouve des difficultés à s’adapter de manière flexible aux événements et aux conditions de son environnement.
Grace à la recherche biologique orientée vers le cerveau et la schizophrénie, on commence à comprendre le mode de fonctionnement et la flexibilité du cerveau. On peut ainsi raisonnablement espérer que les énigmes entourant les dysfonctionnements des fonctions cérébrales chez les personnes atteintes de schizophrénie seront tôt ou tard déchiffrées et que les traitements causals, ainsi que des méthodes de prévention seront découverts. Dans le monde entier, la majorité des proches de malades atteins de schizophrénie saluent le renouveau de la recherche psychiatrique, qui de nos jours s’appuie sur des spécialistes en neuropsychologie, en neurochimie et en biologie moléculaire.
Il est important de savoir que pour la schizophrénie comme pour d'Autres maladies complexes, ce n'est pas la maladie proprement dite, mais seulement la prédisposition à la maladie qui est transmise par hérédité. Plus du 60% des personnes atteintes de schizophrénie ont des parents qui ne sont pas malades. Lorsque de vrais jumeaux, dont l'un des deux est malade, ont chacun des enfants, le risque de contracter la maladie est identique pour les descendants des deux jumeaux. Cela montre que vraisemblablement plusieurs facteurs héréditaires jouent un rôle. Cette situation génétique complexe pourra vraisemblablement être expliquée par les recherches en génétique moléculaire effectuées sur des familles avec plusieurs cas de schizophrénie.
Source : Association de familles et amis de malades souffrant de schizophrénie. (2000). Schizophrénie – Diagnostic, vivre avec la maladie : Information à l’intention des familles, des proches et des profanes (4e éd.). AFS Berne-Jura-Neuchâtel.
Fréquences
1% de la population va faire un épisode psychotique dans le courant de sa vie. Pour chaque patient, plusieurs membres de la famille et les amis intimes sont affectés par cette maladie. Ainsi, on peut admettre que la schizophrénie porte préjudice à la qualité de vie d’environ 5% de la population.
La schizophrénie se déclare entre 15 et 40 ans et dure presque toujours toute la vie. Dans les trois-quarts des cas, la maladie apparaît au début de l’âge adulte, entre 16 et 25 ans. Il s’agit de la maladie la plus invalidante chez les jeunes qui entrave profondément la formation professionnelle et le développement personnel.
Il y a le même pourcentage d’hommes et de femmes frappés par cette maladie. Dans le groupe d’âge de 16 à 20 ans, on trouve davantage d’hommes, et dans celui de 25 à 40 ans, davantage de femmes. L’apparition tardive de la maladie chez les femmes s’expliquerait par un effet protecteur des hormones femelles (œstrogènes).
Les schizophrénies avec des délires paranoïdes chroniques sont 10 fois plus rares que les autres formes de la maladie. Elles se manifestent seulement entre 40 et 55 ans et affectent plus de femmes que d’hommes. Pour ce petit groupe de patients, le diagnostic n’est souvent pas établi et aucun traitement n’est administré.
En se basant sur des études de familles, de jumeaux et d'enfants adoptés, il n'y a aucun doute qu'il existe une disposition héréditaire complexe. Le risque de contracter la maladie au cours de sa vie est le suivant :
- 1% pour l'ensemble de la population
- 50% pour les vrais jumeaux
- 16% pour les faux jumeaux
- 45% pour les enfants lorsque les deux parents sont malades
- 12% pour les enfants lorsqu'un des deux parents est malade
- 16% pour un enfant dont l'un des deux parents et l'un des frères ou sœurs sont malades
- 9% pour une personne ayant un frère ou une sœur malade
- 5% pour les petits-enfants
- 4% pour les neveux et nièces
- 2% pour les oncles, tantes et cousines
Source : Association de familles et amis de malades souffrant de schizophrénie. (2000). Schizophrénie – Diagnostic, vivre avec la maladie : Information à l’intention des familles, des proches et des profanes (4e éd.). AFS Berne-Jura-Neuchâtel.
La schizophrénie et la consommation de substances
Les études réalisées dans le domaine de la recherche neurophysiologique et neurochimique du cerveau montrent que les drogues, comme le cannabis ou les opiacés (opium, héroïne, méthadone), la cocaïne, le L.S.D., l’ecstasy, l’alcool et la nicotine agissent sur la transmission de l’information dans les cellules nerveuses et leurs connexions. L’utilisation abusive de ces substances peut entraîner d’autres troubles par réaction en chaine. En plus des problèmes de dépendance, les drogues détériorent certaines fonctions cérébrales que l’on pense être celles où les dysfonctionnements de la schizophrénie sont localisés. La drogue provoque une perte de contact avec la réalité qui peut aller jusqu’à la psychose et aux délires.
Les malades atteints de schizophrénie ont souvent recours à la drogue dans l’idée d’une automédication. Ils deviennent dépendants et courent le risque de voir les dysfonctionnements de leur cerveau augmentés par les drogues.
On entend par « double-diagnostique » la présence simultanée d’une maladie grave et toxicomanie, associée ou non à l’alcoolisme.
- Les stupéfiants et l'alcool ne sont pas la cause de la schizophrénie. Mais ils peuvent, et c'est surtout le cas du cannabis, la déclencher lorsqu'il y a prédisposition. Un cerveau jeune et en plein développement est particulièrement réceptif aux dommages causés par les stupéfiants. Ils entravent l'acquisition des facultés permettant de maitriser de manière autonome les exigences de la vie.
- La consommation de stupéfiants et d'alcool amplifie les symptômes de la schizophrénie, occasionne des rechutes avec hospitalisation, augmente le risque de suicide ou encore la réceptivité aux infections (sida, tuberculose, hépatite), provoque une détérioration du comportement, prédispose à la violence, entraîne une négligence de l'alimentation et de l'hygiène, et diminue la probabilité que ces malades reçoivent un traitement adéquat.
- Le déclenchement d'une schizophrénie par l'alcool est précédé par un abus d'alcool pendant de longues années. Par contre, les stupéfiants peuvent déclencher une psychose après une consommation de courte durée, voire même suite à une prise unique.
- Les patients à double diagnostic sont souvent jeunes, de sexe masculin, sans domicile, non coopératifs pour un traitement et plus souvent violents que des malades psychiques sans problèmes de drogue. Les malades schizophrènes entrent dans le milieu de la drogue avant que leur maladie ait été diagnostiquée et qu'un traitement soit entrepris. Ils ont recours aux drogues parce qu'ils recherchent une automédication, qu'ils y ont été entraînés, qu'ils se sentent abandonnés, ne peuvent pas dormir ou désirent se débarrasser des effets secondaires des médicaments. On rencontre le plus souvent des abus d'alcool ou de cannabis. Le cannabis et les hallucinogènes sont particulièrement dangereux pour les malades schizophrènes.
- Tandis que l'institut central pour la santé mentale de Mannheim conclut que seuls 14% des personnes atteintes pour la première fois de schizophrénie consomment des drogues, comparé à une fréquence de 7% pour l'ensemble de la population, une étude importante effectuée aux USA démontre qu'environ un malade schizophrène sur deux abuse de l'alcool, de stupéfiants ou des deux à la fois. Un rapport du département des œuvres sociales de la ville de Zurich sur la distribution de stupéfiants entre le 1.12.93 et le 31.12.96, constate qu'au début du programme expérimental 40% des participants toxicomanes présentaient de surcroît une maladie psychique.
- Les patients avec double-diagnostic ont besoin d'une aide coordonnée par des spécialistes de la psychiatrie et de la désintoxication. Il est important d'établir ce qui s'est déclaré en premier : la toxicomanie ou la schizophrénie. Est-ce que la toxicomanie a déclenché la schizophrénie ou est-ce que le malade schizophrène a succombé à la toxicomanie ?
Le but du traitement doit être une désintoxication et une thérapie conséquente de la schizophrénie. Le chemin permettant d'éviter des rechutes et de maîtriser les exigences de la vie est long. Les prestations coordonnées exigent beaucoup et sont rares.