Le rôle des proches dans la prise en charge de la schizophrénie
Depuis toujours, la famille joue un rôle important dans l'accompagnement et la réinsertion des personnes atteintes de schizophrénie. Grâce aux traitements médicamenteux, tels les neuroleptiques, les soins ont pu être transférés de l’hôpital aux services ambulatoires. L’implication des proches dans la prise en charge des personnes atteintes de schizophrénie a ainsi été renforcée, très souvent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Lorsque l'un membre de la famille est atteint de schizophrénie, cela affecte profondément la vie et la dynamique familiale. Il n'existe guère d'autre maladie pour laquelle il est aussi difficile de maintenir une bonne relation avec le patient. Le comportement du patient, les sentiments de honte et de culpabilité des proches, le déni de la maladie et son caractère énigmatique créent des blocages et compliquent la situation. L'attitude négative et critique de la société ainsi que le manque d'intérêt pour le sort du malade et de sa famille sont des facteurs qui favorisent l’isolement.
Comme pour d'autres maladies ou accidents graves, les proches sont bouleversés, choqués, tristes et souvent désespérés. La première enquête, visant à étudier l'impact de cette maladie sur la famille, a été publiée aux Etats-Unis en 1955. Par la suite, d'autres enquêtes menées aux Etats-Unis, au Canada et en Angleterre, ainsi que les témoignages recueillis par les associations de proches, ont donné les résultats suivants :
- La maladie d'un membre de la famille génère chez les autres membres de la famille de la peur, de la honte, de la culpabilité, de l'isolement, de l'amertume et un état dépressif. Au début, la maladie est souvent niée ou minimisée.
Puis, on ne parle plus que de schizophrénie dans la famille. On se fait mutuellement des reproches. Les frères et sœurs du malade se sentent délaissés. Les conjoints se disputent, parfois jusqu'à la séparation.
L’insomnie et le repli social sont la conséquence de ce poids et des souffrances vécues. Il s’ensuit une tendance à augmenter la consommation d’alcool ou de tranquillisants. L’avenir de la famille s’assombrit sensiblement. Lorsque le malade devient agressif, grossier, tyrannique ou insupportable, dénigrant sa famille et l’accusant d’être à l’origine de sa maladie, les sentiments de ses proches oscillent entre amour, inquiétude, colère, haine et rejet.
Certains comportements des patients sont parfois soutenus par des groupes opposés à la psychiatrie, qui s’expriment également dans les médias. Ces groupes, souvent mal informés, mènent des actions qui peuvent nuire aux malades. Pourtant, ces derniers ont avant tout besoin d’accompagnement bienveillant : des soutiens qui combattent la discrimination et la stigmatisation, qui encouragent le développement de traitements adaptés, qui facilitent leur réinsertion sociale et les protègent des abus des assurances.
- Les proches craignent surtout les symptômes manifestes de la maladie, dits les symptômes positifs, comme les comportements agressifs, les délires et les hallucinations. Ils ont peur du danger que le malade encourt ou qu'il peut faire encourir à d'autres personnes. Cela engendre des nuits agitées et des tensions avec les voisins. Les symptômes négatifs (l'isolement, le mutisme, l'indifférence, l'inactivité, le désintérêt, la lenteur et la négligence de l’hygiène personnelle) leur sont particulièrement difficiles à supporter. Ils ont souvent du mal à reconnaître ces manifestations comme des symptômes de la maladie et considèrent le patient parfois comme paresseux, égoïste, négligé ou inutile. Ils peinent à trouver et à adopter la bonne stratégie pour interagir avec le patient, tandis que leurs projets d'avenir sont fortement chamboulés.
- Un membre de la famille atteint de schizophrénie peut entraîner des pertes financières significatives. Lorsque la personne atteinte est le principal soutien économique du foyer, cela peut exposer la famille à un risque d’appauvrissement.
- Les proches des personnes atteintes de schizophrénie font souvent preuve d’un dévouement remarquable, faisant de nombreux sacrifices pour prendre soin du malade. Ils essaient autant que possible d'éviter l'hospitalisation. Malheureusement, ils ne reçoivent pas toujours l'aide et le soutien attendus de la part des professionnels ainsi que de l’entourage.
Selon l'expérience des proches, le modèle de soins « proche de la communauté » reste souvent difficile à concrétiser. Bien que ce modèle permette une prise en charge en ambulatoire, il n’élimine pas la maladie ni la charge importante qui repose sur les familles. C'est pourquoi les familles ne méritent pas d'être critiquées, au contraire elles ont besoin de soutien et de périodes de répits.
Les efforts et tentatives pour rendre le malade indépendant se soldent souvent par un échec, car le malade peut avoir du mal à faire face tout seul aux obligations de la vie quotidienne. Il a besoin d'un soutien, notamment pour garantir la prise des médicaments régulière, selon la dose prescrite.
En l’absence de structures suffisantes, comme des logements ou des emplois protégés, les proches se retrouvent souvent à jouer les rôles de médecin, infirmier et assistant social, assumant une charge énorme sans les ressources adéquates.
Source : Association de familles et amis de malades souffrant de schizophrénie. (2000). Schizophrénie – Diagnostic, vivre avec la maladie : Information à l’intention des familles, des proches et des profanes (4e éd.). AFS Berne-Jura-Neuchâtel.
